Vestalia

Cet événement se répète

202407juinToute la journée15Repeating EventVestaliaType:Fête romaine

Description

Ante diem septimum idus Iunias – Ante diem septimum decimum kalendas Iulias

Rare représentation de Vesta sous forme humaine, en tant que figure centrale du Lararium d’une boulangerie à Pompéi, 1er siècle.

EN BREF. Chaque année du 7 au 15 juin, les Vestalia transformaient Rome: rituels mystérieux dans le temple secret de Vesta, matrones en pèlerinage pieds nus, et surprenante fête populaire des boulangers couronnant leurs ânes de fleurs! Cette célébration du feu sacré incarnait la croyance romaine fondamentale: tant que brûlait sa flamme, Rome était éternelle.

Les Vestalia: la fête du feu sacré de Rome

Chaque année, du 7 au 15 juin, la Rome antique célébrait les Vestalia, l’une de ses fêtes religieuses les plus importantes. Cette célébration en l’honneur de Vesta, déesse du foyer et gardienne du feu sacré de la cité, mêlait rituels secrets, processions publiques et… fête des boulangers. Une combinaison qui révèle la capacité de la religion romaine à unir le sacré et le quotidien.

Une déesse sans visage au cœur de l’État romain

Vesta occupait une place unique dans le panthéon romain. Fille de Saturne et d’Ops, sœur de Jupiter, elle incarnait la flamme pure et éternelle. «Quant à toi, comprends bien que Vesta n’est autre qu’une flamme vive, et qu’on ne voit aucun corps naître de la flamme», explique le poète Ovide dans ses Fastes. Contrairement aux autres divinités, elle n’avait pas de statue dans son temple: seul un feu perpétuel la représentait.

Cette particularité s’explique par l’ancienneté de son culte. Vesta appartenait aux traditions religieuses les plus archaïques des peuples latins, bien avant la fondation de Rome. Son temple rond, unique dans l’architecture religieuse romaine, reproduisait la forme des huttes primitives et symbolisait la Terre elle-même. «C’est que Vesta est comme la terre: toutes deux ont en elles un feu perpétuel», précise Ovide.

Six prêtresses pour un feu éternel

Le culte de Vesta était confié aux Vestales, six prêtresses choisies dans l’enfance. Initialement recrutées parmi les familles patriciennes, cette fonction s’ouvrit progressivement aux plébéiennes puis aux filles d’affranchis. Elles devaient respecter une chasteté absolue pendant trente ans de service: dix ans d’apprentissage, dix ans d’exercice et dix ans d’enseignement. Leur principale mission consistait à entretenir le feu sacré qui ne devait jamais s’éteindre, sous peine de catastrophe pour Rome.

La tradition attribuait au roi Numa, deuxième roi de Rome, l’organisation de ce sacerdoce féminin vers 700 avant notre ère. «Ce fut l’œuvre du roi pacifique, l’esprit le plus respectueux de la divinité qu’eût jamais porté la terre sabine», écrit Ovide dans ses Fastes. Les Vestales vivaient dans une maison spéciale près du temple, appelée l’Atrium Vestae, et jouissaient de privilèges exceptionnels: elles pouvaient posséder des biens, témoigner en justice et circuler librement dans Rome.

La violation du vœu de chasteté entraînait une punition terrible: la coupable était enterrée vivante dans un caveau souterrain avec une lampe et un peu de nourriture. Ainsi périt celle qui manque à la chasteté: on l’ensevelit dans ce qu’elle a profané, note sobrement Ovide.

Le 7 juin: l’ouverture du temple secret

Les Vestalia commençaient le 7 juin par un événement exceptionnel: l’ouverture du penus Vestae, le sanctuaire secret de la déesse. Ce «garde-manger sacré» contenait les objets les plus précieux de Rome, notamment le Palladium, cette statue de Minerve réputée tombée du ciel à Troie et garante de la souveraineté romaine.

D’ordinaire, ce lieu saint était interdit à tous, y compris aux hommes. Seules les Vestales et, dans certaines circonstances, le grand pontife pouvaient y pénétrer. Mais pendant les Vestalia, comme l’explique Ovide, les matrones se rendaient en pèlerinage à l’Aedes Vestae, qui, autrement, n’était jamais ouvert.

Ces femmes mariées de la haute société devaient observer des règles strictes: elles entraient pieds nus et cheveux dénoués, en souvenir des temps anciens où le temple de Vesta était encore entouré de marais. Cette prescription conservait la mémoire de l’époque où tout le quartier du Forum était régulièrement inondé.

Le 9 juin: entre solennité religieuse et fête populaire

Le point culminant des Vestalia avait lieu le 9 juin, jour de fête publique officielle. Les Vestales accomplissaient alors leur tâche la plus délicate: la préparation de la mola salsa, une farine sacrée mélangée à du sel utilisée dans tous les sacrifices romains.

Cette préparation exigeait un rituel minutieux entièrement accompli par les prêtresses. Elles devaient cueillir elles-mêmes les épis d’épeautre dans un champ spécial, les moudre avec des meules dédiées, pétrir la pâte avec de l’eau sacrée et cuire les galettes dans un four spécialement conçu. Les archéologues ont d’ailleurs retrouvé ce moulin et ce four dans les ruines de la Maison des Vestales au Forum romain.

Mais le 9 juin était aussi devenu, à partir du 2e siècle avsnt notre ère, une joyeuse fête des artisans. Voici le pain suspendu au cou des ânons couronnés et les guirlandes de fleurs recouvrant les meules rugueuses, décrit Ovide. Les meuniers et boulangers chômaient ce jour-là, ornaient leurs outils de travail et menaient des cortèges d’ânes couronnés de violettes dans les rues de Rome.

Cette association entre Vesta et les métiers de la boulangerie n’avait rien d’artificiel. Elle s’expliquait par le rôle des Vestales dans la préparation de la mola salsa et par l’importance du foyer domestique dans la fabrication du pain familial, avant l’apparition des boulangers professionnels.

Du pain contre les Gaulois: la légende de Jupiter Pistor

Ovide rapporte une légende qui explique pourquoi Jupiter était aussi honoré pendant les Vestalia sous le nom de Pistor (le Boulanger). En 390 avant notre ère, lors du siège du Capitole par les Gaulois, les Romains assiégés souffraient de la famine. Jupiter leur inspire alors une ruse: «Levez-vous et du haut de la citadelle, jetez au milieu des ennemis le bien que vous souhaiteriez le moins leur envoyer!».

Les Romains comprennent qu’il s’agit du blé et «jettent les dons de Cérès, qui, en tombant, résonnent sur les casques et les longs boucliers». Croyant leurs ennemis pourvus en vivres, les Gaulois lèvent le siège. «Une fois l’ennemi repoussé, les Romains élèvent un autel tout blanc à Jupiter Pistor», conclut le poète.

Si cette anecdote relève probablement de la légende, elle témoigne de l’importance symbolique du pain dans la mentalité romaine et de son lien avec la protection divine.

Le 15 juin: purification et fermeture

Les Vestalia s’achevaient le 15 juin par une cérémonie de purification appelée stercoratio. Le temple était soigneusement nettoyé par les Vestales, et les «immondices sacrées» évacuées selon un rituel précis: elles étaient transportées par la voie du Clivus Capitolinus jusqu’à la Porte Stercoraire, puis jetées dans le Tibre. Cette opération était consignée dans les calendriers officiels par la formule Quando Stercus Delatum Fas («Une fois les immondices enlevées, le jour devient faste»).

L’historien Georges Dumézil explique que ce terme d’«immondices» ne peut référer qu’à des «excréments animaux», vestige fossilisé du temps où une société pastorale devait nettoyer le siège de son feu sacré. Cette interprétation souligne l’extraordinaire ancienneté du culte de Vesta, remontant aux origines mêmes de la civilisation latine.

Les Vestalia ne se limitaient pas à Rome

Le culte de Vesta n’était pas une spécificité romaine. D’autres cités du Latium célébraient leurs propres Vestalia, chacune avec ses vestales. Bovillae conservait les traditions des vestales d’Albe-la-Longue, tandis que Lavinium entretenait l’ordre des Laurentes Lavinates. Tibur (actuelle Tivoli) possédait également ses prêtresses, et un magnifique temple de Vesta y subsiste encore aujourd’hui. Cette diffusion révèle l’ancienneté et l’importance du culte dans le monde latin, bien antérieur à la fondation de Rome.

Un culte millénaire au cœur de l’identité romaine

Cette fête née dans les temps préhistoriques du Latium sut s’adapter aux transformations de la société tout en conservant sa fonction essentielle: garantir la continuité de Rome par la protection du feu sacré.

L’importance de ce culte se mesure à sa longévité extraordinaire. Malgré l’émergence du christianisme, les Vestalia demeurèrent l’une des dernières fêtes païennes pratiquées à Rome. Il fallut attendre l’an 391 de notre ère et l’interdiction formelle de l’empereur Théodose 1er pour voir s’éteindre définitivement le feu de Vesta, après plus de mille ans d’entretien continu.

Les Vestalia illustrent parfaitement l’art romain de faire évoluer les traditions sans les dénaturer. Pour les Romains, Vesta n’était pas seulement une divinité parmi d’autres: elle incarnait la permanence de leur cité, le lien entre les générations et la protection divine qui assurait la grandeur de leur empire. Tant que brûlait sa flamme, Rome était éternelle.

Sources antiques

  • Ovide, Fastes, livre VI, vers 249-468.
  • Plutarque, Vie de Numa, 9-10.
  • Tite-Live, Histoire romaine, I, 20.
  • Denys d’Halicarnasse, Antiquités romaines, II, 66-67.
  • Aulu-Gelle, Nuits attiques, I, 12.
  • Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XVIII, 7.

Études modernes citées

  • Dumézil, Georges, La Religion romaine archaïque, Paris, Payot & Rivages, 2000.
  • Heymann, Marcelle, « La Vestale au nom oublié », Études, t. 297, 1958, p. 186.

Dates

Juin 7, 2024 - juin 15, 2024 (Toute la journée)

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