Tubilustrium

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202423marsToute la journéeRepeating EventTubilustriumType:Fête romaine

Description

Ante diem decimum Kalendas Apriles

Des 'tubicenes' sur la colonne d'Hadrien (photo wikimedia)
Des ‘tubicenes’ sur la colonne d’Hadrien (photo wikimedia).

EN BREF. Le Tubilustrium, fête romaine célébrée le 23 mars et le 23 mai, consistait à purifier les trompettes sacrées par le sacrifice d’un agneau. Dans les rues de Rome, les prêtres Saliens exécutaient des danses rituelles, rendant la cérémonie visible à tous. La veille du Tubilustrium de mars marquait le lever de la constellation du Bélier, qu’Ovide relie au mythe de la toison d’or. Cette fête témoigne de l’imbrication entre musique sacrée, religion et astronomie dans le monde romain.

Le Tubilustrium: purification sacrée des trompettes dans la Rome antique

Le Tubilustrium était une cérémonie romaine qui se déroulait deux fois par an: le 23 mars et le 23 mai. Son nom même nous renseigne sur sa nature: tubae (ou tubi) désigne les trompettes, tandis que lustrium fait référence à une purification. Il s’agissait donc littéralement d’une « purification des trompettes ».

Ovide, poète de l’époque d’Auguste, nous donne dans ses Fastes (III, 849-850) une description concise de cette fête:

«Le dernier de ces cinq jours recommande de purifier les trompettes sonores et de sacrifier à la vaillante déesse.»

Dans la Rome antique, le mois de mars marquait traditionnellement le début de la saison des campagnes, et le Tubilustrium était selon certains une cérémonie destinée à préparer l’armée à la guerre. Cette interprétation fait cependant débat: certains commentateurs soutiennent que le terme commun pour les trompettes de guerre, tubae, n’est pas le même que la forme tubi utilisée ici. Ils affirment que le mot tubi n’était utilisé que pour les trompettes employées dans les sacrifices. Selon cette interprétation, la cérémonie était une fête destinée à nettoyer et à purifier les trompettes utilisées dans les sacrifices.

Le Tubilustrium avait lieu donc à deux moments clés de l’année romaine: le 23 mars, dernier jour des Quinquatria (fête de cinq jours en l’honneur de Minerve) et le 23 mai. Cette double occurrence n’est pas anodine. Selon les textes qui nous sont parvenus, le Tubilustrium du 23 mars marquait traditionnellement l’ouverture de la saison guerrière, tandis que l’Armilustrium du 19 octobre en marquait la clôture. La répétition en mai pourrait s’expliquer par l’influence d’un ancien calendrier militaire d’origine spartiate, où la saison des campagnes débutait aux premières semaines du printemps pour s’interrompre au début des récoltes.

D’après les sources anciennes, notamment Festus (353) et Varron (De lingua latina, VI, 14), la cérémonie se tenait dans un lieu appelé l’atrium sutorium (la «salle des cordonniers»). Malheureusement, l’emplacement exact de ce bâtiment n’a pas été identifié par l’archéologie. L’historien Mommsen a proposé de l’identifier à l’atrium Minervae, tandis que d’autres chercheurs comme Platner et Ashby ont suggéré qu’il se trouvait dans le quartier de l’Argilète, connu pour abriter les ateliers des fabricants de chaussures. Ce bâtiment aurait pu être détruit lors de la construction du forum transitorium, ce qui expliquerait l’absence de mentions après le Ier siècle.

Le rituel

Bien que les détails précis de la cérémonie ne nous soient pas entièrement parvenus, plusieurs sources nous permettent d’en reconstituer les grandes lignes :

  • Au centre du rituel se trouvait la purification (lustration) des trompettes sacrées (tubae)
  • Cette purification s’effectuait par le sacrifice d’un agneau, comme l’indiquent Festus (353) et Varron (De lingua latina, VI, 14)
  • La cérémonie était menée par les tibicines populi romani, un collège sacerdotal de joueurs de flûte, qui accompagnaient habituellement les danses des Saliens (prêtres de Mars)
  • En parallèle, les Saliens (prêtres guerriers consacrés à Mars) exécutaient des danses rituelles dans les rues de Rome, permettant à tous les citoyens d’être témoins de la célébration

Selon Jean Lydus (De Mensibus, IV, 60), cette cérémonie avait une dimension publique qui s’intégrait dans la vie quotidienne de la cité.

La question des trompettes

Un débat philologique important existe concernant les instruments purifiés lors du Tubilustrium. Certains chercheurs distinguent:

  • Les tubae, trompettes militaires utilisées sur le champ de bataille.
  • Les tubi, qui seraient spécifiquement les trompettes réservées aux usages rituels et sacrificiels.

Cette distinction nuance l’interprétation traditionnelle qui reliait directement le Tubilustrium à la préparation militaire. Si l’on accepte cette différenciation, la cérémonie pourrait être comprise comme un rituel purement religieux visant à purifier les instruments de culte, plutôt qu’une préparation à la guerre.

Tite-Live (II, 64) écrit cependant que ces trompettes étaient utilisées tant pour convoquer le peuple que pendant les batailles, ce qui suggère une fonction double, à la fois civique et militaire.

Le lever du Bélier et le mythe de Phrixos

Ovide mentionne que la veille du Tubilustrium, le 22 mars, correspond au lever de la constellation du Bélier. Il en profite pour faire référence au mythe qui explique l’origine de cette constellation

«Maintenant on peut lever le visage et dire au soleil: Hier, il a pressé la toison du bélier de Phrixos.» (3852)

Ce mythe grec raconte l’histoire d’Athamas, roi de Thèbes, et de ses deux enfants, Phrixos et Hellé, nés de son union avec la nymphe Néphélé. Après s’être remarié avec Ino, celle-ci, hostile envers ses beaux-enfants, provoqua une famine en faisant griller les semences destinées aux cultures. Un messager, corrompu par Ino, prétendit que l’oracle de Delphes exigeait le sacrifice de Phrixos et Hellé pour mettre fin à la famine.

Au moment où les jeunes gens allaient être immolés, leur mère Néphélé les sauva miraculeusement en leur envoyant un bélier à la toison d’or qui les emporta dans les airs au-dessus du détroit. Durant le voyage, Hellé tomba et se noya, donnant son nom à l’Hellespont (aujourd’hui le détroit des Dardanelles), et devint l’épouse du dieu Poséidon (Neptune chez les Romains). Phrixos, quant à lui, parvint jusqu’en Colchide où il sacrifia le bélier au roi local. La toison d’or de l’animal devint plus tard l’objet de la quête des Argonautes menés par Jason, tandis que le bélier lui-même fut transformé en constellation.

Cette référence astronomique et mythologique n’est pas directement liée au Tubilustrium, mais illustre la manière dont Ovide construit son calendrier poétique en tissant ensemble événements romains, phénomènes astronomiques et mythes grecs.

Les sources antiques ne s’accordent pas toujours sur les divinités honorées lors du Tubilustrium:

Pour le 23 mars, Ovide évoque une «vaillante déesse» (fortis dea, 3, 850) dont l’identité reste mystérieuse. Plusieurs chercheurs identifient cette divinité à Nerio (ou Nérine), une vieille divinité italique qui, à l’origine, personnifiait l’énergie de Mars. Sa figure serait devenue si pâle au fil du temps qu’elle aurait pu se confondre avec Minerve, ce qui expliquerait pourquoi Ovide préfère recourir à une périphrase pour la désigner. D’autres mentionnent Bellone, déesse romaine de la guerre.Certains chercheurs y voient Minerve, puisque la fête clôturait les Quinquatria qui lui étaient dédiées.

Pour le 23 mai, la cérémonie serait dédiée à Vulcain, dieu du feu et de la forge.

Cette multiplicité de divinités associées reflète peut-être l’évolution de la cérémonie au fil des siècles, ou des traditions régionales différentes qui ont convergé à Rome.

Sources antiques

  • Ovide, Fastes, III, 3849-3876
  • Varron, De lingua latina, V, 117 et VI, 14
  • Festus, De verborum significatu, 353
  • Tite-Live, II, 64
  • Jean Lydus, De Mensibus, IV, 60
  • Denys d’Halicarnasse, II, 71
  • Calendrier de Préneste (Fasti Praenestini)
  • Calpurnius Siculus, Eclogae, I, 65

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Dates

mars 23, 2024 Toute la journée

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