Cet événement se répètemars 17, 2031mars 17, 2033
203217marsToute la journéeRepeating EventLiberaliaType:Fête romaine
Description
Ante diem sextum decimum Kalendas Apriles Buste de Dionysos dans le temple de Liber Pater sur
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Ante diem sextum decimum Kalendas Apriles

Chaque année, le 17 mars, les anciens Romains célébraient les Liberalia, une fête en l’honneur du dieu Liber Pater et de sa parèdre Libera. Cette célébration, inscrite dans l’un des plus anciens calendriers romains, nous est connue par plusieurs sources antiques qui en présentent différentes facettes. Que se passait-il lors de cette journée? Qui était vraiment ce Liber Pater? Et pourquoi cette fête a-t-elle tant évolué au fil du temps?
Les Liberalia figurent parmi les plus anciennes fêtes romaines. Comme le rappellent plusieurs sources, cette célébration était déjà inscrite dans le calendrier dit de Numa Pompilius, deuxième roi légendaire de Rome. La date du 17 mars coïncidait avec une autre fête appelée Agonium Martiale, mais comme le soulignent les historiens romains, c’est bien le nom de Liberalia qui était couramment employé par le peuple.
Les témoignages sur les Liberalia proviennent de plusieurs auteurs antiques qui, chacun à leur façon, en décrivent différents aspects :
Ovide, dans ses Fastes (III, 3725-3770), décrit avec précision un rituel caractéristique des Liberalia:
«[Le poème] a pour objet d’expliquer pourquoi une pauvre vieille femme invite les gens à s’intéresser à ses galettes».
Ces galettes (liba en latin), faites de farine, de miel et d’huile, étaient vendues par des vieilles femmes couronnées de lierre que l’écrivain Varron appelait « prêtresses de Liber ». Elles portaient de petits autels et, pour chaque gâteau vendu, en détachaient un morceau qu’elles offraient au dieu au nom de l’acheteur.
Varron confirme cette pratique dans son De lingua latina (6,14):
«Les Liberalia sont ainsi nommés parce que, ce jour-là, dans toute la ville, des vieilles femmes, prêtresses de Liber, couronnées de lierre, sont assises avec des gâteaux et un petit foyer, sacrifiant pour ceux qui achètent».
Tertullien, dans son Apologétique (42), ajoute un autre aspect de la fête : ce jour-là, chaque famille romaine avait l’habitude de dîner dans la rue, devant la porte de sa maison.
La procession phallique
Saint Augustin, dans La Cité de Dieu (7,21), évoque une procession beaucoup plus licencieuse qui avait lieu à Lavinium, ville proche de Rome:
«Car ce membre honteux, placé avec grand honneur sur un petit chariot, était d’abord promené à travers les carrefours des campagnes, puis conduit jusqu’à la ville».
Cette procession phallique, symbole de fertilité, scandalisait évidemment Augustin, qui décrit les Liberalia de Lavinium comme une fête d’un mois entier où régnait « une grande licence d’obscénité » et où « on utilisait les mots les plus infâmes ».
Virgile, dans ses Géorgiques (2,380-389), associe Bacchus (nom grec de Liber) à des célébrations rurales liées aux vendanges, où l’on sacrifiait un bouc, où l’on présentait des pièces de théâtre et où l’on suspendait des petits masques aux pins:
«Ils prennent des visages terribles faits d’écorce creusée, et t’invoquent, Bacchus, par des chants joyeux, et pour toi suspendent de petits masques flexibles au haut d’un pin».
La prise de la toge virile: un rite de passage
Au-delà des aspects religieux, les Liberalia marquaient un moment crucial dans la vie des jeunes Romains: la prise de la toge virile. Cette cérémonie symbolisait le passage de l’enfance à l’âge adulte pour les jeunes hommes, généralement âgés de 15 ou 16 ans.
Le déroulement de cette cérémonie nous est connu par plusieurs témoignages anciens. Ovide (Fastes, III, 3771-3790) s’interroge sur les raisons de cette association:
«Il me reste à trouver pourquoi on remet la toge virile aux enfants, le jour de ta fête, radieux Bacchus».
Et il propose quatre explications possibles:
- Parce que Bacchus semble toujours un enfant ou un adolescent
- Parce que les pères confient leurs enfants à Liber Pater (Liber le Père)
- En raison du jeu de mots entre «Liber» (le dieu) et «libre» (ce que deviennent les jeunes hommes)
- Parce que beaucoup de gens de la campagne venaient en ville ce jour-là pour les jeux en l’honneur de Liber et Cérès
La cérémonie elle-même comportait plusieurs étapes solennelles :
- Le matin, un sacrifice aux Lares (divinités protectrices du foyer)
- L’abandon de la bulla praetexta (amulette protectrice) et des autres insignes de l’enfance
- Le revêtement de la toge blanche (toga pura ou libera)
- Une procession solennelle jusqu’au Forum pour présenter le jeune homme à la cité
- Un sacrifice au Capitole pour honorer les dieux de l’État
Liber Pater : un dieu aux multiples visages

Qui était vraiment le dieu honoré lors des Liberalia? Les sources antiques nous présentent plusieurs facettes de Liber Pater:
À l’origine, Liber était une divinité italique associée à la fertilité et à la croissance. Son nom même, comme l’expliquent les étymologistes modernes, est lié au verbe « croître ». C’était un dieu agricole, protecteur des semences, qui formait une triade avec Cérès (déesse des moissons) et Libera.
Avec l’influence grecque, Liber fut progressivement assimilé à Dionysos/Bacchus. Cicéron, dans son De natura deorum (2,62), distingue d’ailleurs trois Liber différents:
- Le fils de Sémélé (le Dionysos grec)
- Celui qui est honoré avec Cérès et Libera
- Celui qui est connu par une religion mystérique
Cette différenciation montre bien la complexité de cette figure divine qui pouvait être perçue différemment selon les contextes et les époques.
La perception de Liber/Bacchus fut profondément affectée par le scandale des Bacchanales en 186 av. J.-C. L’historien Tite-Live nous raconte dans son livre 39 comment ce culte, jugé dangereux pour l’ordre public, fut sévèrement réprimé par le Sénat romain. On accusait les adeptes de ces cérémonies nocturnes de se livrer à toutes sortes d’excès et de constituer un «État dans l’État».
Ce scandale explique en partie pourquoi les auteurs romains, comme Ovide, cherchent ensuite à «purifier» l’image de Liber, en le distinguant clairement du Bacchus des cultes extatiques.
La reconstruction d’Ovide: un Liber civilisateur
Dans sa description des Liberalia, Ovide opère un travail particulièrement intéressant de «reconstruction» de la figure de Liber, comme l’a bien montré la chercheuse Dóra Kovács. Le poète présente Liber comme un dieu civilisateur:
Contrairement à la tradition qui attribuait cette découverte à Aristée, Ovide fait de Liber l’inventeur du miel. Dans un récit original (Fastes, III, 3735-3760), il raconte comment le dieu, durant son retour d’Orient, attira des abeilles grâce au son des cymbales de son cortège, puis les recueillit dans un arbre creux, découvrant ainsi le miel.
Cette histoire sert à expliquer pourquoi on offre des gâteaux de miel à Liber, mais elle présente aussi le dieu comme un organisateur, capable de rassembler les abeilles éparses en une communauté productive.
Ovide présente également Liber comme le premier à avoir offert des sacrifices à Jupiter après ses conquêtes en Orient:
«Tu fus le premier à offrir de la cannelle et de l’encens pris à l’ennemi, ainsi que les chairs rôties du bœuf de ton triomphe».
Cette présentation rapproche Liber de Prométhée, le héros civilisateur grec qui institua le sacrifice.
Les Liberalia étaient bien plus qu’une simple fête religieuse. Elles s’inscrivaient dans un contexte politique complexe :
Le temple de Liber, Libera et Cérès sur l’Aventin était un centre important pour la plèbe romaine. La connexion entre Liber et l’idée politique de libertas (liberté) était forte, comme le souligne Kovács. D’ailleurs, jusqu’en 153 av. J.-C., les magistrats romains prenaient leurs fonctions aux ides de mars, deux jours seulement avant les Liberalia.
L’époque d’Ovide correspond au règne d’Auguste, qui menait une politique de restauration religieuse. Le temple de l’Aventin était alors en ruines et ne fut restauré qu’en 17 apr. J.-C., sous Tibère. La version des Liberalia que nous présente Ovide s’inscrit donc dans cette politique de «romanisation» des cultes, éliminant les aspects jugés trop étrangers ou subversifs.
En savoir plus
- Kovács, Dóra, Liberalia in Ovid – Liber in the Roman religion, in Acta Classica Universitatis Scientiarum Debreceniensis, Vol. 46, 2010, p. 307-318.
Sources antiques citées
- Ovide, Fastes, III, 3711-3790
- Varron, De lingua latina, 6,14
- Tertullien, Apologétique, 42
- Saint Augustin, La Cité de Dieu, 7,21
- Virgile, Géorgiques, 2,380-389
- Cicéron, De natura deorum, 2,62
- Tite-Live, Livre 39 (sur les Bacchanales)
Dates
mars 17, 2032 Toute la journée